PARIS-BREST-PARIS 1995
du 1er juillet 1994 au .......
J'en avais rêvé comme tout bon cyclotouriste, mais
personne ne pouvait le faire pour moi. Ne soyez pas
étonné de la date de départ car je situe au 1er
juillet 1994 ma décision de participer au Paris-Brest-Paris (
PBP ) et dès cet instant, tout commence.
La préparation
Le canevas en est traçé puisqu'elle doit comporter les
brevets qualificatifs. Pour ma part, j'ai décidé de
rouler le plus régulièrement possible, contrairement aux
autres années et j'arrive au 200 km avec 3200 bornes dans les
jambes.
J'ai proposé à Patrick ( déjà deux PBP ) de
m'accompagner dans les brevets, mais c'est demander à un aveugle
s'il veut voir et il est immédiatement partant pour PBP : je
viens de contracter une assurance tous risques qui sera un tant
suspendu car il ne pouvait pas disposer de ses congés à
lea bonne époque.
Après le 200 ( le 8 avril), nous enchainons le lendemain par un
200 fédéral, puis je fais le 250 km ( 21 avril ) avec un
départ sous une pluie battante pour "tester" ma
résistance au mauvais temps.
Ensuite tout s'enchaîne avec le 300 ( 6 mai ) et le 400 ( 13 et
14 mai ) : ce dernier brevet débutant à 17 h est
l'occasion de passer une première nuit sur le vélo. Cette
expérience est concluante mais le sommeil reste l'une de mes
grosses préoccupations avec l'alimentation. Notons que ce 400
comportait queques belles côtes et le retour de Riez à
Carpentras en passant par Meyrargues et Cavaillon fut contrarié
par un fort mistral.
Et nous voilà déjà au 600 ( 4 et 5 juin ) : nous
couchons à Orange pour un départ de Piolenc à 5
heures. Je veux essayer de faire ce brevet d'une seule traite sans
dormir. Tout va bien jusqu'à 2 heures du matin, malgré
une fringale et le froid au pied du Mont Gerbier des Joncs. Je commets
là ma première erreur, ne pas m'arrêter lorsque le
sommeil me prend et je subis une défaillance terrible : pour moi
PBP est terminé. Patrick, impertubable, me laisse l'engueuler et
me force à continuer jusqu'à Vaison où je dors
deux heures à la terrasse d'un café fermé.
Au réveil, le moral est toujours aussi bas et je reprends le
vélo plein de doutes. Les kilomètres s'enchainant, tout
redevient à peu près normal et la fin du parcours avec un
groupe très sympathique de Caderousse finit de me remonter le
moral : après quelques ultimes doutes, les inscriptions partent pour
Paris.
Il faut maintenant maintenir la forme : c'est fait avec la
randonnée de l'aigoual, Aix-Lure et retour, Aix-Le Ventoux et
retour, quelques cols en Savoie et quelques sorties dans le Nord de la
France où je séjourne en famille jusqu'au 20 août.
Ma préparation s'achève avec 9200 kilomètres parcourus.
Paris-Brest-Paris
J'ai rendez-vous avec Patrick chez des amis à
Neauphes-Le-Chateaule dimanche 20 août à 14 heures pour
aller au contrôle des machines : je dis machines car nous allons
en voir qui ne ressemblent pas à des vélos. Nous avons le
premier contact physique avec l'organisation et nous ressentons
déjà les effets de l'ambiance de PBP : nous tenons enfin
le précieux carnet de route et la carte magnétique pour
les pointages.
Pour Patrick, c'est presque la routine mais pour le néophyte que
je suis, c'est déjà magique. Il reste maintenant à
attendre le départ du lendemain à 22 heures : nous le
ferons en passant une excellente nuit, aprés une bonne
soirée avec les copains Marina et Fabien, et en profitant du
départ tardif pour faire une bonne sieste.
Lundi 19 heures : première file d'attente pour le dernier repas.
Nous revenons au stade d'où le départ de 20 heures ( ceux
qui veulent faire un temps ) a déjà été
donné et vers 20h 45, nous sommes dans le pelotn. Nous partirons
avec le second groupe vers 22h 15, mais cette attente est l'occasion de
contacts avec des groupes qui n'engendrent pas la mélancolie,
comme les dunkerquois.
Une corne de brume nous libère et c'est parti pour plus de 1200 kilomètres.
Les premiers kilomètres s'effectuent en paquet avec voiture ouvreuse et motos pour
sortir de l'agglomération. Au bout de 10 kilomètres,
j'ai perdu Patrick et nous nous retrouverons 50 km plus loin : j'ai
bien cru que j'allais faire PBP tout seul ( au milieu des 2900 participants ).
Dès le 1er contrôle à Mortagne ( km 141 ), nous
adoptons ce qui sera la règle sur ce PBP : un repas complet (
soupe, entrée, plat, deux desserts, bière ou vin, eau
pétillante ) que l'on prend calmement en discutant et en
plaisantant avec nos compagnons de route, soit en tout environ 1 heure
d'arrêt. Les contrôles se succédant tous les quatre
ving kilomètres, nous avons pris quinze repas et trois petits
déjeuners en trois jours et demi. Ce " gavage " résoud
complètement le problème de l'alimentation et nous
n'aurons besoin d'aucun complément.
Les contrôles se succèdent : Villaines-la-Juhel,
Fougères, Tinténiac et Loudéac ( km 441 ). Il est
21h et nous décidons de nous arrêter : douche, repas et au
lit à 22h 30 ( un lmatelas et une couverture dans un gymnase ).
Je dors immédiatement et je suis réveillé à
2h 30 par un bénévole de l'organisation.
Après la préparation des vélos et le
déjeuner, nous partons pour Brest à 3h 15 avec l'objectif
de revenir dormir à Loudéac.
Nous passons à Carhaix, puis au col de Trébudon avec
contrôle secret et bol de soupe : j'en profite pour ramasser
quelques brins de bruyère. Après la longue descente du
Roc Trevezel, il nous reste une sucession de côtes, cadeau des
organisateurs avant une petite dernière ( genre avenue philippe
Solari ) pour arriver au lycée de Brest : Armande et Monmon nous
y attendent et nous pointons à midi, 38 heures après
notre départ.
L'après-midi se passe sans incident et nous sommes de retour
à Loudéac à 21h 15 pour une seconde nuit identique
à la première.
Au programme du jeudi 24 figurent les 300 kilomètres
séparant Loudéac de Mortagne : rien à signaler
sinon que les bénévoles dans les contrôles ne disent plus
"à bientôt" mais "à dans quatre ans". Le but
est atteint à 20h 15 et nous pourrions sans doute terminer les
140 km nous séparant de St Quentin en Yvelines : nous
décidons sagement de nous en tenir au programme et passons la
troisième nuit à Mortagne.
Le vendredi matin, nous avalons la sortie "locale " en pleine euphorie
et effectuons notre dernier pointage à 11h 14 : la partie
visible de PBP est terminée mais il continue dans ma tête,
ce qui justifie les points de suspension du titre.
Pour conclure, j'aimerai souligner quelques points :
- L'ambiance de PBP qu'il n'est pas possible de
décrire : il faut la vivre pour comprendre pourquoi certains
cyclos endurent parfois un véritable calvaire pour terminer leur
randonnée,
- la remarquable organisation de l'ACP qui nous fait
passer par des routes tranquilles et superbes même si elles ne
sont pas souvent plates; les automobilistes peu nombreux sont
manifestement au courant et n'hésitent pas à nous
encourager,
- le dévouement des bénévoles
toujours disponibles et travaillant 24 heures sur 24 car PBP ne
s'arrête jamais: une attention comme des fleurs sur les tables
à Villaines-la Juhel est vivement appréciée,
- il ne fait pas mauvais en Bretagne : seulement 10 km
sous la pluie en arrivant à Brest et un léger vent
favorable au retour;
- - aucun incident mécanique, aucune crevaison,
mais notre matériel était révisé et nos
pneus neufs : de toute façon tout était prévu avec
quatre chambres et un pneu.
Alors, si vous aimez boire, manger, dormir, discuter,
plaisanter, rire et pédaler ( je crois que cette activité
est là pour assurer une bonne digestion ), n'hésitez plus
et et pensez à Paris-Brest-Paris 1999 : j'y serai car j'ai
donné rendez-vous à un anglais sur une drôle de
machine.
François Hennebert avec l'aide de Patrick Fortoul
NDLR :
récit paru dan "Roue-Libre ", revue du Cyclo Sport Provençal d'octobre 1995.
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